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Tunisie : Bassma Betka, une juriste qui défend les victimes de violences


En 2011, Bassma Betka rejoint l’un des premiers cabinets d’avocat spécialisé dans les violences faites aux femmes en France, à l’époque BT & Associés. Un cabinet connu pour avoir traité certains des dossiers les plus marquants liés aux violences conjugales dans l’Hexagone. Depuis plus de 13 ans, la Franco-Tunisienne qui travaille, en tant que juriste, accompagne aujourd’hui au sein du cabinet Tomasini Avocats les victimes de violences conjugales et intrafamiliales dans leurs procédures judiciaires.

Ayant accompagné de nombreuses victimes de violences conjugales en plus d’une décennie, Bassma considère aujourd’hui son travail beaucoup plus comme un engagement. « Au quotidien, je me dis que je ne fais pas que travailler, j’aide des personnes ». Très tôt, elle est habitée par le souci de la justice. A l’école, se souvient-elle encore, c’est elle qui défend ses copains ; à la maison, elle protège les autres membres de sa famille. Et très vite, la jeune fille connaît déjà sa future carrière : devenir avocate. Bac en poche, elle s’inscrit à la faculté de droit de Cergy. Mais au bout de la première année, elle déchante. La théorie seulement l’ennuie. Voulant découvrir le droit de manière pratique, elle décide de travailler à ses 19 ans avec une avocate. Pendant 5 ans, elle est assistante juridique dans un cabinet d’avocats, puis juriste dans un autre… Et en même temps, elle décroche son diplôme de clerc d’avocats, passe un master en droit social puis obtient un master en droit pénal et sciences juridiques. Un jour, souhaitant se réinventer, elle recontacte l’avocate lui ayant offert son premier emploi. Celle-ci lui apprend qu’elle est en train de créer avec une autre avocate un cabinet d’avocats spécialisé dans les violences faites aux femmes. La jeune femme est aussitôt conquise. Sans hésiter, elle se lance dans l’aventure et rejoint l’un des premiers cabinets en France à se spécialiser dans les violences conjugales et intrafamiliales.

Au contact des victimes de différentes formes de violences

En 13 ans, elle suit au sein du cabinet différentes affaires liées aux violences conjugales physiques et psychologiques, des cas de jeunes femmes victimes d’agressions de la part de leurs concubins, des cas extrêmes comme des tentatives d’assassinat, des meurtres de victimes de violence, des meurtres des bourreaux par les victimes… Mais aussi, plusieurs cas de mamans désenfantées par la justice. « Je me retrouve avec plusieurs mamans qui me disent qu’elles ne peuvent plus voir leur enfant, car il a été placé chez le père parce qu’elles ont dénoncé des violences, des attouchements sexuels de sa part. Etant donné que face à la justice, la parole de l’enfant n’est pas suffisamment prise au sérieux, surtout quand il s’agit d’enfants en bas âge, cela se retourne contre elles »,explique –t-elle. En raison de ses origines maghrébines, elle s’est également chargée au sein du cabinet de plusieurs cas de femmes d’origine maghrébine, dont certaines sont à peine arrivées en France et sont victimes de violences de la part de leurs conjoints. Elle se souvient ainsi du cas d’une jeune Algérienne kabyle, ayant rejoint, il y’a quelques années son conjoint en France et victime quelque temps après, de violences, mais aussi de séquestration et de chantage de sa part. « Elle n’avait droit de téléphoner à sa famille que lorsqu’il était à côté d’elle », raconte –t-elle. De plus,« elle ne s’habillait que lorsqu’il le décidait. Il l’obligeait à se promener nue dans la maison, la filmait et la menaçait d’envoyer ses vidéos aux membres de sa famille pour leur dire qu’elle se prostituait en France, si jamais elle ne faisait pas ce qu’il lui disait », explique-t-elle. Une situation ayant malheureusement conduit à l’hospitalisation de la femme en psychiatrie.Mais parmi tous ces cas de violences, souligne-t-elle, « nous avons aussi des hommes comme clients, mais c’est une minorité. Certains hommes sont victimes de violence, mais de manière générale, ils ont honte de dire qu’ils sont violentés par leurs femmes ».

Accompagner les victimes durant les procédures judiciaires

Au sein du cabinet, elle s’est chargée durant longtemps du premier contact avec les victimes, dont elle assure désormais l’accompagnement tout au long de leur dossier, explique-t-elle. « Nous accompagnons la personne ; nous l’assistons. C’est un peu comme si je prenais quelqu’un par la main et que je marchais avec lui tout le temps de la procédure ». La première étape de cette démarche consiste tout d’abord à être à l’écoute de la personne « qui est profondément blessée et dont la vie est détruite ». Ce qui permet de récupérer tous les détails de l’affaire, de savoir si une plainte a été déposée, s’il existe des témoins des violences…, nous explique-t-elle. Ensuite, il s’agit de mettre en place une stratégie du dossier pour rétablir la vérité, de travailler le dossier juridiquement, de rédiger les actes, d’intervenir auprès des tribunaux… Au-delà de cela, il y’a aussi tout un travail à faire sur le plan psychologique avec la victime, précise –t-elle. « La plupart des conjoints de ces femmes sont des manipulateurs, des pervers qui se victimisent. Quand on les voit, on ne peut imaginer une seconde qu’ils ont violenté leurs femmes. Devant le tribunal, ils s’expriment clairement. Par contre, ces femmes, elles ne se contrôlent plus psychologiquement. Elles sont sous l’émotion, deviennent agitées et s’expriment difficilement », explique –t-elle.

 En moyenne, il faut au moins 2 ans voire plus pour voir le dossier dénoué, confie-t-elle. Une démarche qui ne manque pas non plus d’affecter psychologiquement l’avocat ou la personne qui les accompagne, notamment en raison de son implication et son investissement total pour défendre la victime. « Il faut dire que ces personnes qui sont vulnérables nous voient un peu comme l’ange qui arrive pour les sauver. Pour le moindre geste, au quotidien, elles nous contactent pour savoir quoi faire. Donc, il faut rester professionnelle et en même temps, être humaine. Quand on sort de là, à la fin de la journée, on est vidé. On ne veut plus entendre parler d’un quelconque problème. Psychologiquement, c’est lourd », confie-t-elle.Mais, après tout ce travail, il est réconfortant,de voir enfin les victimes rentrer dans leurs droits, souligne-t-elle. « Quand je vois des femmes qui étaient en détresse, me remercier, de les avoir sorties au moins à mon niveau de la situation dans laquelle elles étaient, c’est pour moi une vraie victoire ».

Défendre l’environnement au même titre que les victimes de violence

Engagée dans la défense des victimes, notamment des femmes, elle s’est aussi spécialisée dans le droit de l’environnement à travers un master 2 en droit des affaires spécialité environnement, à l’université Paris Saclay, pour pouvoir « défendre la nature ». « Pour moi, la nature est une victime, au même titre que la femme. Elle subit la destruction de l’environnement, le réchauffement de la planète… »,explique –t –elle.  Aujourd’hui, son ambition est de concrétiser cet engagement de défendre l’environnement. De même, elle compte passer cette année son diplôme d’avocate pour pouvoir défendre les victimes devant les tribunaux, puisqu’aujourd’hui, elle ne peut que travailler les dossiers, accompagner ses clientes devant divers services (commissariat, services sociaux, etc), mais pas plaider pour elles devant les tribunaux. « Aujourd’hui, je confie cette partie à mes collègues avocates en qui j’ai bien sûr toute confiance, mais je voudrais désormais porter la voix de ces femmes jusqu’au bout »,confie-t-elle. Elle écrit également un livre qui témoigne des premiers appels des victimes qu’elle a dû prendre en charge durant de nombreuses années et qu’elle envisage de publier prochainement.