Chercheuse en santé publique mondiale, entrepreneuse, défenseuse en santé publique, Dr. Ebele Mogo concilie de manière créative ses différentes casquettes pour créer de l’impact dans la vie des gens et favoriser le bien-être et la santé dans les villes africaines.
S’il fallait résumer en un mot le travail du Dr Ebele Mogo, il suffirait juste de dire « IMPACT ». Dans ses recherches, l’entrepreneuriat, le plaidoyer, la Nigériane ne raisonne qu’en termes d’impact. Pour elle, il n’ya d’investissement ou de politique publique efficace en matière de santé et de bien-être que si ceux-ci ont un réel apport dans la vie des gens et améliorent leur quotidien.
C’est très tôt, dans son enfance, que la Nigériane prend conscience de son désir d’impacter et d’améliorer la vie des autres. Pour elle, il ne fait aucun doute : elle sera médecin. La petite écolière se projette déjà en blouse blanche en train de s’occuper de ses patients. Elle nourrira ce rêve jusqu’à ses premières années d’université au Canada. « J’ai toujours su que je voulais travailler dans le domaine du bien-être et de la santé. Mais mon parcours n’a pas été sans heurts », confie-t-elle à Africa Women Experts.
Inscrite au département des sciences biomédicales à l’Université de Waterloo au Canada, elle découvre une vision plus globale de la santé. « Je me souviens que, c’était pendant les vacances, je lisais différentes choses sur internet et j’ai lu des articles sur des initiatives internationales qui s’intéressaient au bien-être des personnes, mais plutôt à un niveau mondial élevé. Et je me suis dit : waouh, je voudrais faire ça après être devenue médecin», se souvient-elle.L’une de ses premières actions dans ce domaine a été de soutenir une initiative de gestion des déchets médicaux à Lagos, au Nigeria. C’est alors qu’elle commence à faire le lien entre les problèmes de santé et le contexte social à l’origine de ces maladies.
Après avoir raté son accès à l’école de médine, elle décide de faire un détour. En 2009, elle s’envole pour l’Ecosse où elle s’inscrit finalement à l’Université d’Edinburgh pour un master en « Santé mondiale et politiques publiques ».
À ce stade, elle découvre une autre passion, notamment l’innovation sociale, en plus de son intérêt pour l’impact dans la vie des populations. Après avoir coordonné des études de terrain sur les causes du cancer ovarien, elle s’inscrit en 2013 à l’université du Colorado, aux Etats-Unis, pour un doctorat. Elle concentre ses recherches sur l’urbanisation et l’augmentation des maladies non transmissibles à Lagos, au Nigéria, l’une des villes les plus peuplées du monde et sa ville natale.
Mais malgré son choix, se souvient-elle encore, elle ne cesse de se remettre en question. « Je me demandais constamment comment j’allais créer une carrière à partir de ces études », se rappelle-t-elle.
De fil en aiguille, elle parvient à se frayer un chemin. Elle restreint son champ d’études à connecter les résultats de recherche et les innovations et politiques de promotion du bien-être des populations. Ce qui la ramène à l’Université McGill au Canada de 2017 à 2019, où elle teste un outil numérique visant à améliorer l’accès à l’information pour les enfants en situation de handicap. Elle teste également des applications de données crowdsourcées pour améliorer l’accès aux ressources de santé. Grâce à une collaboration en santé mondiale à l’Université de Cambridge, elle parvient à appliquer cette expérience aux populations des villes africaines en rapide urbanisation.
Pour des investissements et politiques de santé basés sur des preuves scientifiques
En 2017, elle crée « ERIM Consulting », un cabinet de conseils innovant. A travers son cabinet, elle combine ses casquettes de chercheuse et d’entrepreneuse. Elle mène des recherches approfondies qu’elle transforme en idées à l’adresse des investisseurs, des gouvernements, des organisations internationales, pour que ceux-ci prennent en compte le bien-être des populations dans leurs investissements et politiques publiques à travers le monde.
Elle a notamment élaboré avec l’OMS une stratégie pour améliorer la santé et le bien-être des populations dans les villes à travers le monde au cours des prochaines années et a travaillé avec des startups financées par des fonds de capital-risque pour concevoir et mettre en œuvre des initiatives.
Elle est constamment à l’affût d’innovations africaines qui abordent la question de l’accès à une meilleure santé. Elle travaille, notamment avec eux en tant que partenaire technique pour établir des liens avec des partenaires pouvant rendre leurs solutions plus accessibles au grand public. « Je me demande comment les soutenir ? Comment les relier aux opportunités de financement ? Comment évaluer leurs solutions pour les aider à obtenir des financements », explique-t-elle.
Pour la chercheuse et entrepreneuse, il n’y a de meilleur moyen de porter ses deux casquettes qu’en se focalisant sur des initiatives concrètes qui impactent la vie des gens.« J’aime les recherches qui visent à documenter, tester et mettre en avant des solutions de santé », souligne-t-elle.
Permettre des politiques à long-terme de santé et de bien-être en Afrique
Pour Ebele Mogo, « la santé ne consiste pas seulement à amener les gens chez le médecin. La santé c’est penser à tous les facteurs autour ». Partie du constat qu’en Afrique, la plupart des discussions autour de la santé ne se focalisaient que sur les maladies transmissibles telles que le VIH Sida, la tuberculose ou encore la malaria, elle décide en 2012 avec d’autres scientifiques africains de créer une plateforme, « Engage Africa Foundation », pour traiter des sujets liés aux maladies non transmissibles en Afrique souvent dues aux mauvais modes de vie. « En Afrique, les gens souffrent énormément de maladies cardio-vasculaires, de diabète, mais il n’y avait pas de discussions à ce sujet. Ce sont des maladies pour lesquelles il faut des stratégies à long terme », explique-t-elle.
La plateforme permet le dialogue entre les acteurs locaux et les responsables de haut niveau comme l’OMS sur les défis systémiques de santé et de développement. L’objectif étant de garantir un futur sain aux Africains. Elle met aussi en avant les initiatives africaines innovantes qui visent à résoudre les questions de santé mentale, les maladies cardio-vasculaires, le bien-être et à planifier à long-terme la santé des Africains.
En 2020, elle travaille sur un projet visant à améliorer l’accessibilité des informations sur la COVID-19 par le crowdsourcing de traductions en 19 langues africaines. Récemment, la plateforme a organisé le festival EAF, qui a permis à plusieurs acteurs de santé publique en Afrique à partager des idées et des stratégies, ce qui a abouti à un communiqué sur la création d’un avenir africain sain.
Aujourd’hui, Ebele Mogo continue de se challenger pour trouver de nouveaux moyens pour améliorer la santé et le bien-être des Africains. Pour les prochaines années, elle ambitionne d’établir plus de partenariats avec des innovateurs sociaux africains pour tester de nouveaux moyens permettant de résoudre les problèmes de santé. La scientifique souhaite aussi publier un recueil de nouvelles. Qui a dit que science ne rîme pas avec littérature ?
Danielle Engolo