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Angèle Messa : « La femme a sa place dans la promotion de l’emploi et de l’éducation par la technologie »


Angèle Messa est une jeune entrepreneuse camerounaise dans le domaine de la technologie et de l’éducation. Elle est la fondatrice d’Educlick, une plateforme d’éducation digitale qui facilite l’accès aux cours, en un clic. Durant la Covid 19, la plateforme a enregistré plus de 10 000 utilisateurs. En 2018, la plateforme a été sacrée par l’Union Africaine Prix de l’Innovation dans l’éducation. Dans cette interview, Angèle Messa raconte son expérience d’entrepreneure dans les technologies pour promouvoir l’éducation en Afrique. Les propos.

Qu’est ce qu’Educlick et quels sont ses objectifs ?

Educlick est une plateforme d’éducation qui a pour objectif de puiser dans la révolution technologique pour faciliter un accès à l’éducation de qualité pour tous, surtout les couches vulnérables qui ne peuvent accéder à l’éducation formelle. Elle est destinée aux personnes qui n’ont pas d’autres alternatives.

Son objectif également est de contribuer à préparer les ressources humaines au monde du travail, en les équipant dès le bas âge de compétences qui faciliteront leur accès au marché de l’emploi ou leur permettront de créer des entreprises et d’employer d’autres personnes. A cet effet, notre modèle consiste à former et à mettre sur pied des possibilités de mentorat et à faciliter l’accès à l’emploi à travers la plateforme Educlick Careers. C’est un moteur de recherche qui fouille quotidiennement internet et met à jour la plateforme avec des opportunités, des postes vacants, des bourses d’études pour lesquelles les Camerounais sont accessibles.

Quel est le contenu d’Educlick ?

A Educlick, nous avons deux types de programmes en ligne : les cours pour le primaire et les cours de renforcement des capacités, liés aux programmes relatifs au domaine des sciences, technologie, ingénierie, mathématiques…

Qu’est ce qui vous a poussée à lancer cette plateforme numérique ?

Tout d’abord, c’était à cause de mon expérience personnelle. Quand j’étais enfant, j’ai souffert d’une maladie qui me faisait manquer régulièrement les cours à l’école. Je ne pouvais compter que sur mes camarades pour venir soit à la maison, soit à l’hôpital avec leurs cahiers pour que je copie les leçons. Bien que ce fût difficile, j’ai pu réussir mes examens. Mais je me suis toujours dit en grandissant que si j’avais eu une solution qui m’aurait permis d’étudier même en étant absente de l’école, cela m’aurait vraiment aidée. Donc ce projet est né de mon désir de vouloir aider d’autres personnes qui pourraient se retrouver dans ma situation, à avoir quelque chose que je n’ai pas eu.

La plateforme telle qu’elle existe aujourd’hui est née en 2016. Plus tôt, j’avais rejoint une association pour visiter les réfugiés à l’est du Cameroun et pendant notre visite, j’ai fait le constat selon lequel, la plupart de ces camps disposaient de facilités telles que l’alimentation, la santé… mais pas d’éducation. C’est à ce moment que j’ai commencé à réfléchir sur ce sujet et que nous avons mis en place le premier prototype d’Educlick.

Avec la crise anglophone au Cameroun, l’attaque et la fermeture des écoles, le besoin d’une telle plateforme s’est fait de plus en plus sentir. Une fois de plus, les élèves et étudiants de cette région n’avaient pas d’alternative pour étudier.

Au début, nous enregistrions les cours audio et les partagions tant qu’on pouvait. Mais à un moment, nous nous sommes rendus compte que ce n’était pas durable. C’est alors qu’en 2018, nous avons créé Educlick, pour pérenniser le programme. Il s’agit d’une entreprise sociale dont le principal objectif est d’impacter ses communautés.

Quel est aujourd’hui l’apport des femmes dans la transformation de l’éducation et la promotion de l’emploi par la technologie en Afrique ?

C’est un domaine qui reste un peu fermé pour les femmes. La majorité des entreprises qui travaillent dans ce secteur sont portées par des hommes. Mais de plus en plus, on voit de jeunes femmes au Cameroun ou dans d’autres pays africains, passionnées par l’éducation, contribuer autant que possible à l’utilisation des technologies pour une éducation de qualité.

Je fais partie d’une association qu’on appelle « African women in Tech At Tops », une ONG qui regroupe les femmes qui travaillent dans le domaine de la technologie en général et on y trouve celles qui sont spécialisées dans l’éducation.  Je suis aussi membre du réseau Tech Women, qui permet aux femmes spécialisées dans le numérique de passer 6 semaines à la Silicon Valley, de travailler sur des projets pratiques et de faire du mentorat professionnel. On y trouve aussi beaucoup de femmes qui travaillent dans la promotion de l’emploi par les technologies.

C’est vrai que ce n’est pas facile, car l’accès au financement pour ces entreprises féminines est relativement moindre que pour celles ayant à leur tête des hommes. Mais je crois que la femme a sa place dans la promotion de l’emploi et de l’éducation par la technologie. Nous autres qui sommes dans le domaine, nous ne nous laissons pas faire. Nous continuons de travailler, de nous encourager, de nous entourer et d’avancer.

Quels sont les défis et enjeux de l’entreprenariat des femmes dans le secteur de la technologie pour l’éducation ?

Les défis sont nombreux et ne sont pas spécifiques à ce secteur. L’un des principaux challenges que l’on retrouve sur le terrain c’est l’enjeu financier. Les entreprises Tech féminines peinent à éclore et à se développer. Elles n’ont pas un accès facile aux investisseurs externes et autres.

D’autres obligations, comme celle du foyer contraignent la femme à travailler 3 ou 4 fois plus si elle veut être entrepreneure. Sans oublier que généralement, elles n’ont pas accès à d’autres femmes qui ont réussi pour profiter de leurs conseils.

L’un des défis majeurs que rencontrent les femmes c’est la solitude qui pousse à abandonner et à aller s’allier à une entreprise masculine pour contribuer à son développement. Ce n’est pas forcément mauvais, mais développer son entreprise est très important.

Comment renforcer l’entreprenariat des femmes africaines dans le domaine de la technologie et le secteur de l’éducation en Afrique ?

 Il faut tout d’abord changer les mentalités. La femme qui décide d’entreprendre ne le fait pas forcément parce qu’elle veut se comparer aux hommes. Elle le fait parce qu’elle veut résoudre un problème et elle croit fermement avoir les compétences pour le faire.

Pour le domaine des technologies, il faut mettre en place des programmes et des projets qui encouragent la jeune fille et la jeune femme à s’intéresser aux métiers liés à la technologie, aux filières scientifiques, technologiques, à l’ingénierie … pour qu’à la fin de son cursus, sa carrière soit automatiquement orientée vers ce domaine.

Il est aussi important d’exposer le travail des femmes impliquées dans ce secteur, sans oublier de créer des plateformes de mentorat, de partage d’expérience entre femmes, des séminaires, des forums de rencontre pour les femmes entrepreneures.

Quel est aujourd’hui l’impact d’Educlick au Cameroun et en Afrique ?

L’impact d’Educlick peut se ressentir au Cameroun et au-delà. En cinq ans, nous avons réussi à nous positionner comme l’une des entreprises principales en matière de technologie de l’éducation au Cameroun de par nos programmes et le développement de nos curriculums.

Nous avons été parmi les plateformes principales d’études pendant la Covid 19. Nos plateformes en ligne ont enregistré 10 000 utilisateurs actifs pendant cette période. Nous avons organisé des sessions de formation sur l’entreprenariat, les métiers du digital, l’orientation de la jeune fille pendant cette période qui ont été suivies par des participants de plusieurs pays : Tchad, Togo. En cinq ans, nous avons pu avoir plus de 15 milles utilisateurs au Cameroun et ailleurs.

Cet impact créé pendant la crise covid 19, la crise anglophone au Cameroun ou que nous continuons de créer jusqu’ici nous a valu plusieurs prix, entre autres le Prix de l’innovation dans l’éducation par l’Union Africaine en 2018. Etant donné que nous travaillons avec des personnes à mobilité réduite, nous avons reçu le Zéro projet.

Vos ambitions ?

Présentement, nous travaillons sur la mise en place d’une autre plateforme assez robuste qui pourra servir de plateforme d’apprentissage principale pour toutes les couches, au-delà du Cameroun, pour le primaire d’une part et pour le secondaire, d’autre part. Elle sera plus intuitive, en prenant en compte les avancées technologiques.

Educlick est aussi dans une phase où elle veut se mettre en partenariat avec d’autres plateformes dans l’éducation. Nous croyons fermement que seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin. Nous voulons créer une fédération de jeunes innovateurs dans l’éducation en Afrique, en amenant des produits de complémentarité et pour ne pas recréer ce qui existe déjà ailleurs.

 

Propos recueillis par Danielle Engolo