La journaliste marocaine Aziza Nait Sibaha a lancé le 8 mars dernier « Taja Sport », un magazine digital gratuit et biannuel consacré à la pratique sportive féminine dans la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA). Elle nous en parle davantage dans cette interview. Les propos.
Vous venez de lancer Taja Sport dédié à la pratique sportive féminine. Pourquoi ?
Plusieurs raisons m’ont poussée à fonder Taja. Tout d’abord, l’importance de promouvoir le sport auprès des femmes et des jeunes filles, dans une région où beaucoup d’entre elles n’y voient pas d’intérêt ou n’ont pas l’opportunité de le pratiquer. La première entrée pour la pratique sportive est souvent l’école, or l’abandon scolaire touche beaucoup plus les filles dans la région MENA. Rajoutées à cela les problématiques de mariage et de maternité précoces et enfin le point le plus important, les mentalités conservatrices qui s’opposent parfois à la pratique sportive féminine.
Je voulais aussi profiter de mon expérience journalistique de près de 25 ans, pour mettre en place un média gratuit et accessible à toutes, pour mettre en lumière les exploits sportifs féminins qui n’ont pas à ce jour la couverture médiatique qu’ils méritent malgré la longue liste de sportives qui s’illustrent dans toutes les disciplines.
Pourquoi consacrer ce média spécifiquement à la région MENA ?
Tout d’abord, parce que c’est une région que je connais bien et où on enregistre un manque flagrant dans l’offre médiatique sportive pour les femmes. Pourtant, les magazines dits « féminins » ont de belles performances, mais on préfère rester dans le domaine de la mode, des voyages, du maquillage… comme si les femmes ne pouvaient pas s’intéresser à autre chose.
Nous avons aussi choisi la langue arabe pour le magazine afin de toucher un plus grand nombre parmi les 220 millions de femmes que compte la région. Le site lui est en Français et en Arabe et aura à terme une version anglophone. L’idée étant aussi bien de toucher le public francophone et anglophone dans la région, mais aussi de faire découvrir à l’occident une autre image de ce dont les femmes dans notre région sont capables.
Pensez-vous que ce soit une bonne idée d’avoir plus de médias qui s’engagent à promouvoir la pratique sportive féminine ?
J’espère que nous serons nombreux à prendre ce genre d’initiative. Il faut se soutenir et se porter mutuellement. Il n’y a pas beaucoup de médias dédiés au sport au féminin de par le monde. Quand on compare avec le sport au masculin, vous avez énormément de titres de journaux, d’émissions, de sites, dans un seul et même pays. Côté féminin, la réalité est tout autre. Donc je suis ravie quand je vois un média qui porte les mêmes valeurs et je serai ravie de faire des choses ensemble avec ceux qui le souhaitent.
Que peut-on lire dans Taja Sport ?
On y lit des interviews, des portraits et des reportages autour des femmes dans le sport. Qu’elles soient des femmes leaders dans le secteur sportif, des championnes professionnelles, des jeunes championnes en herbe, des journalistes sportives, des leaders de la société civile, mais aussi des femmes qui portent les mêmes valeurs dans le cadre privé. Nous avons un grand réseau de correspondants dans différents pays de la région MENA qui nous permettent d’aller chercher des profils authentiques et pas toujours connus de tous.
Nous avons d’ailleurs fait le choix de mettre en couverture une jeune fille qui fait du rugby à Marrakech. Il ne s’agit pas d’une championne connue, mais bien de la jeune génération que nous espérons toucher.
Nous consacrons aussi une grande place au handisport souvent ignoré dans notre région. A ce titre, nous avons fait le portrait de la championne marocaine Najwa Awane, de tennis en chaise roulante. Najwa a d’ailleurs enregistré un message vidéo sur notre site pour inciter les médias, les sponsors, mais aussi les familles à soutenir la pratique sportive des personnes en situation de handicap.
Cela m’amène à vous dire que le site complète l’offre éditoriale du magazine avec des reportages vidéo faits par nos correspondants et bientôt des podcasts. Et vu que le magazine est biannuel en cette première année, le site nous permet aussi de maintenir le contact avec notre public avec une offre éditoriale qui se renouvelle de manière hebdomadaire.
Nous avons aussi une grande présence sur les réseaux sociaux avec un contenu créé spécifiquement pour chaque plateforme. La jeunesse de la région MENA consomme énormément internet et est très présente sur les réseaux sociaux. Nous avons donc aussi adapté notre offre à ces supports.
Quelle est la prochaine étape pour Taja Sport ?
Pour le moment, nous avons lancé le premier numéro et le site en arabe et en français. La prochaine étape sera la préparation du numéro de juillet. Nous espérons avoir assez de soutien du public sans lequel nous ne pourrions pas exister et des annonceurs et sportifs sans lesquels il nous serait difficile de mener à bien notre mission.
A partir de 2022, nous monterons en puissance pour arriver à un magazine mensuel dans 5 ans.
Propos recueillis par Danielle Engolo