A l’occasion du mois d’octobre associé à la prévention du cancer du sein, Dr Raja Aghzadi, chirurgienne du sein et cancérologue marocaine, rappelle l’importance du dépistage précoce. Elle souligne aussi la nécessité d’adopter un style de vie sain afin de prévenir cette maladie. Les propos.
Assiste-t-on aujourd’hui à une recrudescence du nombre de malades du cancer du sein ?
Nous sommes face à un fléau en courbe ascendante. Aujourd’hui, le cancer du sein est devenu une épidémie. Par expérience, il semble que les femmes atteintes du cancer du sein sont plus jeunes en Afrique qu’en Occident. Dans les pays industrialisés, le dépistage démarre à partir de 55 ans. En Afrique, on devrait commencer dès la quarantaine. Des études doivent être faites pour savoir quels sont les facteurs qui expliquent cette particularité en Afrique : est-ce une question génétique ? Serait-ce lié au climat, au mode de vie ? Ces questions restent encore sans réponses aujourd’hui.
Avec toutes les avancées dans le secteur médical, peut-on prévenir aujourd’hui le cancer du sein ?
Si on connaissait tous les facteurs de risques, on pourrait les éviter. Sauf que la chose n’est pas si logique. Parmi les facteurs de présomption, on incrimine l’alimentation trop grasse et trop sucrée. On parle aussi d’hygiène de vie, c’est-à-dire de la sédentarité ou pas de la femme. L’autre facteur c’est le stress qui, par certaines sécrétions, peut induire un cancer. La prise d’hormones de manière anarchique et sans contrôle, particulièrement chez certaines femmes à risques, a été aussi incriminée. Un dernier facteur serait lié à l’histoire héréditaire qui concerne 5 à 10% des cas.
A quel âge la femme doit-elle commencer à se faire dépister?
Il n’y a pas de règle que l’on puisse appliquer à toutes les femmes. Tout dépend du statut familial et du type de sein. On distingue des seins plus denses que d’autres, c’est-à-dire, plus glandulaires. Une femme dont la mère, la tante, la cousine a développé un cancer du sein doit se faire dépister beaucoup plus précocement. En général, c’est autour de la quarantaine qu’il faut commencer à examiner son sein et à le connaitre. Les seins à risques sont à surveiller de près… Il est préconisé à partir de la quarantaine ou même avant, de commencer à faire de l’autopalpation de son sein une fois par mois. Cette autopalpation permet à la femme de trouver jusqu’à 70% des anomalies. Le dépistage radiologique peut être instauré tous les 1 à 3 ans et cela, en fonction du type de sein et du statut familial.
Quels sont les signes qui doivent interpeller ?
Le mieux serait de ne pas arriver aux signes, car à ce moment, c’est un peu tard. D’où l’intérêt de faire un check-up annuel. La mammographie peut trouver des lésions à peine millimétriques. Dans les cas de dépistage précoce, le pronostic est bon dans près de 100% des cas. Les femmes ont l’impression qu’il faut d’abord sentir quelque chose pour aller voir le médecin. Pourtant, il est mieux de faire le check-up et l’examen radiologique régulièrement. Parfois, c’est le courage qui peut leur manquer pour aller le faire.
Le Maroc dispose-t-il de la technologie nécessaire pour traiter le cancer du sein ?
Au Maroc, nous avons la possibilité de traiter le cancer du sein selon les meilleurs standards du monde. Nous utilisons les appareils et les molécules les plus perfectionnés. De même, il est possible de garder le sein grâce à une chirurgie de qualité qui allie à la fois la chirurgie du cancer et la chirurgie esthétique. Elle consiste à reconstruire un sein et à lui donner la forme et les courbures les plus anatomiques.
Ce traitement est-il accessible à toutes les catégories de femmes ?
C’est la question sur laquelle nous travaillons actuellement au Maroc. On souhaiterait qu’il y’ait une équité, moins de disparités et que l’accès aux soins soit facilité et à la portée de toutes les personnes atteintes du cancer du sein.
C’est dans cette optique que l’association Cœur de femmes, créée il y’a 20 ans, se rend dans les régions les plus reculées du Maroc pour informer, sensibiliser et consulter ces personnes. Nous les opérons sur place et les prenons en charge sur le plan chimiothérapique et radio-thérapique. Par ailleurs, comme la maladie n’a pas de frontières, plusieurs pays d’Afrique subsaharienne ont également été visités dans le cadre du même combat.
Quid de la prise en charge des femmes atteintes de cancer du sein pendant la pandémie de la Covid-19 ?
Avec la Covid-19, il y’a eu une baisse de consultations. Au départ, ce n’était pas une priorité. Mais après le confinement, le courant de la vie a repris. Les gens ont commencé à reprendre leurs consultations et à examiner leurs corps. Mais, nous avons noté des retards. Nous avons enregistré des cas de femmes qui sont arrivées à des stades évolués.
Quel message adressez-vous aux femmes?
J’appelle toutes les femmes du continent à prendre conscience de l’importance de la santé parce que c’est le seul vrai capital ancré dans le temps et dans l’espace. Elles doivent aussi choisir un style de vie sain pour prévenir le cancer du sein.