Co-fondatrice de Keitas Systems, une société de conseils et d’expertise aéronautique, Lahou Keita est l’une des rares femmes et Africaines à évoluer dans ce domaine. Un milieu encore très dominé par les hommes. En tant qu’inspectrice d’avions, elle contrôle les aéronefs partout dans le monde et réalise des audits dans le cadre d’opération d’achats et de revente d’avions.
C’est grâce à des dessins animés, notamment un « manga » dont elle se rappelle particulièrement, « Goldorak », que Lahou Keita se passionne pour l’aéronautique. Elle n’a alors que 9 ans. En suivant avec beaucoup d’intérêt l’histoire du personnage principal exilé sur terre dans une soucoupe volante, elle rêve de baigner plus tard dans le monde des avions. Une ambition qui ne la quittera jamais et qui la poussera des années plus tard à passer les concours de l’Ecole Nationale d’Aviation Civile (ENAC) d’Orly auxquels elle ne réussit malheureusement pas. Mais grâce à ses connaissances acquises en préparant les concours du ENAC, cette diplômée en Langues étrangères appliquées et passionnée de technique depuis son enfance parvient à rebondir. « Je n’ai pas été retenue, mais je ne me suis pas laissée découragée pour autant, car le fait d’avoir préparé les concours de l’ENAC m’a permis de frapper à la porte de Dassault Falcon Service à l’aéroport du Bourget, ce qui a été un formidable tremplin pour ma carrière », nous confie-t-elle.
Après avoir travaillé pendant quelque temps en tant qu’opératrice au département de centrage des avions à l’aéroport Charles de Gaulle, elle frappe en 2002 aux portes du constructeur français d’avions Dassault Falcon. Femme, Africaine de surcroit, elle doit se battre pour intégrer l’avionneur français. Le fait de parler cinq langues, dont le Finnois, joue en sa faveur. Elle est finalement retenue en tant que technico-commerciale au sein de Dassault Falcon Service où il lui est arrivé de s’occuper des clients finlandais du constructeur.
En 2006, elle est repérée par les Suisses pour rejoindre les centres de maintenance tels que RUAG Aviation et Jet Aviation. Elle y passera quatre années. Ce qui lui permet d’appréhender tous les différents types d’avions, mais aussi de réaliser qu’elle veut aller plus loin.
Keitas Systems ou l’aéronautique au féminin
En 2011, Lahou et sa sœur Fatou Keita, docteure en médecine, cosmétologue et diplômée de l’école des Hautes Etudes Commerciales (HEC), décident de monter Keitas Systems, une société de conseils et d’expertise aéronautiques pour soutenir les opérateurs d’avions, les compagnies aériennes et les ateliers de maintenance. En effet, après avoir travaillé pendant des années, avec différents constructeurs, Lahou est convaincue que hommes et femmes appréhendent la gestion de la maintenance des avions différemment. Bien plus, en tant que femme et Africaine, il lui est difficile d’évoluer et de se faire respecter. « J’ai décidé de créer Keitas Systems car je ne voulais plus être tributaire des décisions des hommes que je ne trouvais pas toujours justes, parce que j’appréhende la gestion de la maintenance des aéronefs différemment. Les femmes ont une approche beaucoup plus sécuritaire, ce qui peut générer des conflits avec nos homologues masculins », souligne-t-elle.
Les débuts de la société sont difficiles, puisque les deux sœurs financent la société sur fonds propres. Mais au bout de quelques années, Keita Systems finit par se bâtir une réputation dans l’aéronautique en Europe et en Amérique du Nord. La société fait partie aujourd’hui des sous-traitants de Dassault Falcon Service, entreprise où Lahou a fait ses débuts. Elle a lancé aussi « Tempeus », un portail qui permet aux opérateurs de suivre en temps réel les travaux de maintenance de leurs avions lorsqu’ils sont en chantier avec leurs smartphones et d’avoir accès à toutes les informations, jusqu’à la remise en service des avions.
Basée à Nantes, la société est désormais installée à Québec. Elle a été choisie cette année pour mettre en place le premier hub aéronautique au monde, « Maintenance hub Canada », qui mettra en réseau les compagnies aériennes, les centres de maintenance et les acteurs aéronautiques du pays.
Aujourd’hui, l’ambition de Lahou Keita est de faire de Tempeus un portail de référence mondial pour les aéroports et les constructeurs d’aéronefs d’ici 5 ans.
Danielle Engolo