Esther Utjiua Muinjangue, cheffe du parti d’opposition NUDO en Namibie, est depuis fin mars 2020, vice-ministre de la santé du pays. Celle qui fait aujourd’hui partie de l’équipe gouvernementale, mobilisée pour la riposte contre le Covid 19 dans le pays, est surtout connue pour avoir attiré l’attention du monde entier sur le génocide namibien des populations Herero et Nama par les Allemands, il y’a plus d’un siècle.
C’est en tant qu’assistante sociale, qu’Esther Muinjangue entame sa carrière professionnelle. Très tôt déjà, elle choisit de suivre un parcours qui la distinguera. A une époque où il y’a essentiellement deux professions réservées aux femmes dans le pays, à savoir infirmière ou enseignante, elle décide de se spécialiser dans le travail social. « A cette époque, je n’avais aucune idée de ce qu’était le travail social, mais j’ai décidé d’y aller. Je peux dire qu’il n’y a pas un seul moment où je regrette d’avoir fait du travail social », nous confie-t-elle. Elle étudie à l’Académie de l’éducation Tertiaire (actuelle université de Namibie) et intègre le secteur public, en 1987 en tant qu’assistance sociale. En 1996, elle devient professeure de travail social au sein de l’Université, un poste qu’elle occupera pendant plus de 20 ans.
Attirer l’attention sur le génocide namibien
Alors qu’elle enseigne, elle s’engage également auprès des communautés Herero et Nama. C’est cet engagement qui la fera surtout connaître auprès des Namibiens. En tant que présidente de la Fondation du génocide Ovaherero (OGF), elle sillonne plusieurs pays pour sensibiliser l’opinion internationale sur le génocide namibien qui remonte à la période coloniale allemande, de 1904 à 1908, au cours de laquelle les tribus Herero et Nama avaient été pendues, violées, incarcérées, leurs corps décapités et des crânes emmenés en Allemagne. Originaire elle-même de la tribu Herero, elle décide de briser le silence sur ce massacre resté méconnu dans l’histoire et demande réparation au gouvernement allemand. Elle joue un rôle important dans le rapatriement des restes humains de l’Allemagne à la Namibie. En 2018, elle fait partie de la délégation namibienne qui se rend à Berlin pour le 3e rapatriement de 19 crânes humains vers le pays.
Du travail social à la politique
En 2019, Esther Muinjangue décide de mettre fin à ses fonctions à l’université pour se consacrer à la politique. Après avoir rejoint plus tôt l’Organisation nationale pour l’Unité Démocratique (NUDO), elle est élue en mars 2019, présidente du parti lors de sa 3e assemblée générale, devenant ainsi, l’une des rares femmes à diriger un parti politique en Afrique. A la tête de l’un des partis d’opposition du pays, elle se porte candidate aux élections présidentielles de Novembre 2019. Elle est la seule femme parmi 10 candidats. Elle ne remporte certes pas les élections, mais obtient 17000 votes et est classée dans le top 5. « Pour moi, il ne s’agissait pas de devenir présidente du pays, mais de dire que les femmes arrivent et que nous sommes capables de diriger. C’était pour motiver et inspirer d’autres femmes, surtout les jeunes », confie-t-elle. En mars 2020, elle est nommée par le président élu, vice-ministre de la santé et fait ainsi partie de l’équipe en charge de gérer la riposte contre le coronavirus dans le pays.
En décembre 2019, Esther Muinjangue a décroché sa thèse doctorat de l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud.