Casablanca, le 26 Octobre 2018
La deuxième édition du Forum des femmes journalistes d’Afrique « Les Panafricaines » a connu l’organisation d’un Grand débat sur le thème : « D’UNE RIVE A L’AUTRE, POUR UN REGARD JUSTE SUR LES MIGRANTS». Un échange qui a réuni des journalistes et experts de la question migratoire.
Le débat a été modéré par Samira Sitaïl, Directrice adjointe en charge de l’information et des magazines à 2M, qui a commencé par préciser la problématique au cœur de ce débat, à savoir la distorsion dont souffre l’image des migrants. Car, si les crises humanitaires, les persécutions, et les guerres civiles ne peuvent être occultées, elles font l’objet de traitements si simplistes et partiels qu’ils en sont venus à constituer la seule réalité qui caractérise les flux migratoires, aux yeux des opinions publiques aussi bien des pays d’accueil que des pays d’émigration.
Dans ce sens, Ana Fonseca, chef de mission de l’Agence des Nations Unies des Migrations au Maroc a tenu à souligner que le traitement du phénomène migratoire doit se faire à travers un prisme humain, car « Au cœur de ce qu’on appelle les flux migratoires, il y a surtout des personnes qui ont besoin de protection ».
Une position soutenue par Driss El Yazami, Président du Conseil National des Droits de l’Homme qui a rappelé que « le migrant a des droits fondamentaux qu’il faut respecter, quelle que soit son statut juridique. »
Un statut qui soulève une question fondamentale, a souligné Samira Sitail, celle de l’impact que peuvent avoir les terminologies adoptées pour décrire les migrants, notamment dans les médias occidentaux. Migrants légal, illégal, clandestin, des termes chargés de sens qui déforment la réalité et véhiculent une image erronée et biaisée de la migration africaine.
Larry Macaulay (Nigéria), fondateur et Rédacteur en Chef de « Refugee Radio Network » à Hambourg en Allemagne, a par ailleurs précisé que la déconstruction des préjugés relève en premier lieu de la responsabilité des africains : « Nous les migrants, nous les africains, nous les étrangers, nous avons la responsabilité de changer notre image ». Il faut refléter la réelle image de l’Afrique, et ne pas attendre que l’occident la façonne. « Nous devons montrer aux médias européens qu’on peut s’organiser en tant qu’africains, de manière constructive et réfléchie. » « Encore faut-il que les opinions publiques soient à l’écoute », souligne Raffaella Consentino (Italie), Reporter pour la chaine de télévision « Rai », spécialisée dans les questions migratoires. A la question de la montée du discours xénophobe et raciste en Europe, notamment en Italie, elle répond : « les messages politiques véhiculés en Italie, par l’extrême droite populiste par exemple, inquiètent beaucoup la société civile ». Pour cette journaliste qui a passé beaucoup de temps à Lampedusa, « tout ce que les italiens connaissent de la migration, ce sont les images d’arrivées massives de migrants subsahariens sur les côtes italiennes ».
Pour que cette image évolue, selon Patrick Otim (Ouganda), spécialiste de la migration et membre de l’organisation « Refugee Law Project » à Kampala, il est important « d’avoir des chiffres précis », pour faire une évaluation exacte de la situation. Ensuite, « il faut faire entendre la voix des migrants, car il faut avoir vécu la migration, pour en parler avec justesse. »
La session de questions-réponses avec la salle a duré plus d’une heure, et les intervenants ont été interpellés sur l’importance de sortir du prisme Nord-Sud et d’inclure la problématique du traitement des migrants au sein de l’Afrique elle-même dans la discussion.
Pour Larry Macaulay, la solution doit être trouvée autant au niveau de l’action civile qu’à celui des décideurs politiques, qui doivent mener une action continentale concertée. « Nous devons parler à nos leaders au plus haut niveau, au niveau de l’Union Africaine », souligne-t-il.
Il faut également se préparer à la mise en œuvre du Pacte Mondial pour les Migrations, qui sera adopté à Marrakech le 10 Décembre prochain, a souligné Ana Fonseca. « Il est temps de passer de la parole à l’action, de mettre en place des stratégies orientées résultats.
Une mise en œuvre pragmatique du Pacte encouragée par Driss El Yazami, président du CNDH, qui souligne que « dans le texte, les instances nationales de droits de l’homme sont désignées comme outil essentiel de sa mise en œuvre. » « Il faut mobiliser la capacité africaine, et développer un point de vue africain sur les droits de l’homme. » ajoute-t-il.
En ce qui concerne les politiques migratoires mises en place par les pays africains, notamment les pays de transit, Ana Fonseca, souligne qu’ « il y a un équilibre à trouver entre la souveraineté des états et les droits des migrants », mais qu’il ne faut surtout pas « laisser de vide qui peut être exploité par les réseaux criminels. »
(Communiqué de presse)