 Susan Sagina Adongo : « Au cœur de mon travail se trouve une passion pour les solutions communautaires»
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Susan Sagina Adongo est une scientifique environnementale qui œuvre pour le développement durable au Kenya. Elle est également la fondatrice de Development Tracking Tools, une solution permettant de stimuler la croissance stratégique et de suivre les progrès des individus. Dans cette interview avec Africa Women Experts, elle partage son parcours dans le domaine du développement durable et de l’entrepreneuriat.
Pourriez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Susan Sagina Adongo, scientifique environnementale, planificatrice stratégique en conservation et spécialiste de l’économie bleue. J’ai plus de 13 ans d’expérience dans la conservation de la biodiversité, l’adaptation au changement climatique, l’agriculture régénératrice et le développement durable. Mon travail consiste essentiellement à établir des ponts entre la science, les politiques publiques et l’action communautaire afin de promouvoir des solutions durables qui contribuent à l’atteinte d’objectifs internationaux tels que les objectifs de développement durable (ODD), l’Accord de Paris et le Cadre mondial pour la biodiversité. Parallèlement à mon travail scientifique, je suis également une entrepreneuse passionnée, fondatrice et PDG de Development Tracking Tools et fondatrice et directrice de Suango Company Limited. À travers ces entreprises, je défends des approches novatrices qui intègrent la durabilité, la technologie et l’esprit d’entreprise afin de créer un impact durable tant pour les communautés que pour les écosystèmes.
Quel est votre parcours universitaire et professionnel ?
Sur le plan académique, je suis titulaire d’une licence en urbanisme et aménagement du territoire et d’une maîtrise en planification et gestion de projets, toutes deux obtenues à l’université de Nairobi. Je poursuis actuellement un doctorat en sciences de l’environnement à l’université de Maseno. J’ai également suivi une formation avancée en analyse de données, certifiée par Azubi Africa.
Sur le plan professionnel, j’ai plus de 13 ans d’expérience dans l’administration publique, le développement international, l’enseignement supérieur et les partenariats avec le secteur privé. J’ai présidé le Comité de conservation et d’indemnisation de la faune sauvage du comté de Nairobi, dirigé l’équipe de l’initiative Go Blue et coordonné le programme de gestion des risques climatiques et des catastrophes.
En tant que consultante, je contribue actuellement au Plan pour un océan durable au Kenya, en apportant mon expertise en planification spatiale marine, en mobilisation des parties prenantes et en stratégie d’économie bleue. Auparavant, j’ai dirigé la stratégie d’autonomisation économique des femmes dans le cadre de la chaîne de valeur de l’économie bleue du transport maritime et de la logistique dans six comtés côtiers afin de promouvoir une croissance inclusive dans les communautés côtières. Je suis boursière du programme AWARD de leadership et de négociation de l’organisation African Women in Agricultural Research and Development. Cette opportunité me permet de renforcer ma capacité à impulser des changements transformateurs. En outre, je joue un rôle clé dans le déploiement du premier projet africain d’altération accélérée des roches (ERW) par le biais de Flux Carbon, en dirigeant les efforts d’engagement communautaire pour faire progresser l’action climatique et l’agriculture durable.
Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt pour l’agriculture et les questions environnementales ?
Mon intérêt pour l’agriculture et les questions environnementales est profondément ancré dans mon éducation. Ayant grandi dans une communauté rurale, j’ai pu constater de mes propres yeux comment la variabilité climatique, les changements saisonniers et la dégradation des sols affectaient directement les moyens de subsistance des agriculteurs et la sécurité alimentaire. Ces premières expériences m’ont inculqué une profonde appréciation de l’interdépendance cruciale entre les personnes, la terre et le climat. Cette compréhension fondamentale s’est transformée en un engagement professionnel. Tout au long de ma carrière dans la conservation de la biodiversité, l’adaptation au changement climatique et l’agriculture régénératrice, j’ai pu constater à quel point l’intégration de la science, des politiques et de l’action communautaire peut être le moteur d’un changement significatif. Je m’efforce de faire le lien entre les sciences environnementales et la transformation socio-économique. Au cœur de mon travail se trouve une passion pour les solutions portées par les communautés, veillant à ce que les voix locales façonnent des pratiques durables conformes aux cadres internationaux tels que les Objectifs de développement durable (ODD) et l’Accord de Paris.
Vous êtes la créatrice et fondatrice de l’application DTT. De quoi s’agit-il ?
Development Tracking Tools (DTT) est une plateforme technologique et une application mobile conçue pour faciliter le suivi stratégique de la croissance des individus, des dirigeants, des organisations et des entreprises à l’échelle mondiale. À travers cette plateforme, je pilote la conception et la mise en œuvre d’outils de journalisation, de suivi des habitudes, ainsi que d’outils de suivi organisationnel, commercial et de direction, le tout soutenu par des tableaux de bord basés sur les données et des flux de travail automatisés. L’objectif principal de la plateforme est de permettre aux utilisateurs de mesurer leurs progrès, d’aligner leurs objectifs sur leur stratégie et de transformer les données en actions concrètes dans des secteurs tels que le climat, l’agriculture, la performance organisationnelle et le développement communautaire.
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour développer cette application, et quel impact a-t-elle eu jusqu’à présent ?
L’inspiration pour l’application DTT est née d’un simple journal intime que mon père m’a offert à l’adolescence. Je l’utilisais pour consigner mes pensées, mes rêves et mes réflexions, sans jamais imaginer qu’il donnerait un jour naissance à une plateforme mondiale. Des années plus tard, après mes études, j’ai redécouvert ce premier journal et j’ai été frappé par la richesse des enseignements et des schémas qu’il recelait. C’est alors que j’ai compris une vérité qui continue de me guider : « Ce que nous écrivons, nous pouvons le relire. Ce que nous suivons, nous pouvons l’améliorer.»
Ma passion pour la tenue d’un journal intime s’est développée, m’amenant à former des équipes internationales au Suivi du Développement Personnel via le BOO Forum. Ce parcours m’a inspiré la création d’un journal physique, le Journal de Suivi du Développement Personnel (PDT), que j’ai officiellement lancé le 4 janvier 2025.
L’idée de transformer le journal en une plateforme numérique est venue directement de ses utilisateurs lors de séances de suivi mensuelles. Les chefs d’entreprise souhaitaient des outils de gestion des stocks, les professionnels avaient besoin d’outils de suivi des performances et les experts en psychologie y voyaient un potentiel pour l’analyse de l’humeur et des comportements. Ces retours ont été sans équivoque : le journal n’était pas qu’un simple outil personnel ; il devait devenir une plateforme intelligente, axée sur les données, capable de stimuler la croissance et d’avoir un impact à grande échelle.
Le précurseur de l’application, le journal PDT physique, a déjà eu un impact significatif. Lancé en janvier 2025, il a déjà été adopté par plus de 500 utilisateurs. Leurs retours et avis ont été essentiels à l’élaboration du concept de l’application DTT.
Vous faites partie de la deuxième promotion du programme « Accélérer le leadership des femmes africaines dans l’action climatique ». Comment avez-vous vécu cette expérience ? Pourriez-vous nous en dire plus ?
Je me sens extrêmement privilégiée de faire partie de ce programme. La première formation a débuté le mois dernier à Mombasa (Kenya) et cette expérience a véritablement transformé ma vision de moi-même en tant que leader et négociatrice. J’étais entourée de 52 femmes exceptionnelles originaires de six pays : le Cameroun, le Ghana, le Malawi, le Kenya, le Sénégal et le Bénin ; toutes unies par un objectif commun : mener avec impact et intégrité la mise en œuvre de solutions climatiques à travers l’Afrique.
Durant ces journées, nous avons exploré en profondeur des sujets essentiels tels que le genre et la négociation, la promotion de l’intelligence émotionnelle, du pouvoir, de l’influence et de nous-mêmes, ainsi que la création d’alliances et de coalitions. Ces sessions étaient bien plus que de la théorie ; elles ont été des moments de vulnérabilité, de rires, de découverte de soi et de courage.
Nous avons analysé non seulement l’art de la négociation, mais aussi les préjugés inconscients et les schémas de pensée qui nous freinent souvent. Ce fut un espace transformateur pour apprendre, désapprendre et grandir ensemble, me rappelant la force des femmes qui se réunissent en toute honnêteté. Je suis repartie inspirée, ancrée et profondément connectée, avec une confiance renouvelée et le sentiment d’appartenir à une sororité qui s’étend sur tout le continent.
Chaque parcours est jalonné de défis. Quels obstacles avez-vous rencontrés et comment les avez-vous surmontés ?
Absolument. Comme tout parcours, le mien a eu son lot de défis, dont beaucoup étaient d’ordre intérieur. Pendant longtemps, j’ai lutté contre une peur profonde de l’inconnu. Cela se manifestait souvent par la peur de me mettre en avant, de prendre la parole, ou par l’angoisse de dire une bêtise.
J’ai appris à surmonter ces obstacles en cultivant l’audace de poursuivre ce qui me tient le plus à cœur : ces objectifs et ces vocations trop importants pour être ignorés. J’y suis parvenue grâce à un processus continu d’introspection, en me penchant sur mon passé pour comprendre les causes profondes de ces freins. En les identifiant, je peux consciemment me surpasser pour poursuivre précisément ce qui me fait peur, en utilisant cette forte motivation intérieure pour surmonter mes hésitations.
Quelles sont vos ambitions pour l’avenir ?
À l’avenir, je m’engage à terminer mon doctorat en sciences de l’environnement tout en développant mon influence sur la scène internationale. Mon ambition est de continuer à évoluer en tant que leader transformationnelle oeuvrant pour la justice climatique, la résilience des communautés et l’autonomisation des femmes. Je me positionne stratégiquement pour assumer des postes de conseil à l’échelle mondiale, diriger des collaborations de haut niveau et mener des initiatives à fort impact qui font le lien entre les cadres internationaux et l’action locale. Mon objectif est de contribuer de manière significative à l’élaboration de politiques, d’innovations et de partenariats qui accélèrent le développement durable en Afrique et au-delà.
Propos recueillis par Danielle France Engolo