Grâce à son ONG, Yadac Robotics, Yapi Danila Christiana forme les enfants et les jeunes ivoiriens à la robotique et aux sciences technologies ingénierie, arts et mathématiques (STEAM). La jeune Ivoirienne, qui est à ce jour l’une des rares roboticiennes dans son pays, est déterminée à contribuer à révolutionner le système éducatif en Côte d’Ivoire.
Passionnée des mathématiques depuis toute petite, Yapi Danila qui est aujourd’hui l’une des figures clés du domaine de la robotique en Côte d’Ivoire, n’a pourtant jamais appris la robotique sur les bancs de l’école de son pays. C’est au gré des formations privées, sa participation à des concours nationaux et internationaux de robotique, à l’autoformation et grâce à sa détermination à apprendre, qu’elle a pu aiguiser ses compétences dans ce domaine. Aujourd’hui, la jeune scientifique transmet son savoir aux enfants, aux jeunes… pour combler un manque dans le système éducatif de son pays, confie-t-elle à Africa Women Experts. « Pourquoi les enfants ne s’intéressent plus à l’éducation ? Pourquoi le taux de déscolarisation est-il élevé ? C’est tout simplement parce que les enfants ne trouvent plus d’intérêt dans ce qu’ils font à l’école. Les mathématiques, les physiques sont théoriques et ça ne les intéresse pas. Il faudrait trouver un point pratique pour les accrocher », explique –t-elle.
C’est en 2023 que l’ONG organise ses premières formations en robotique. Celles-ci ciblent à la fois les enfants, les adultes… Les ateliers destinés aux enfants sont conçus à partir des programmes d’écoles, en fonction du niveau d’études des enfants et déclinés en des projets pratiques pour permettre aux enfants de mieux les assimiler. « Pour un enfant qui n’arrive pas à assimiler par exemple le circuit électrique qu’on lui a enseigné à l’école, nous travaillons sur des projets où nous amenons des composants électroniques et lui expliquons comment ça fonctionne à travers un projet », explique –t-elle. Les formations à destination des tout petits se basent tout autant sur les objets du quotidien, les jouets (voiturettes…) et visent à leur montrer comment ceux-ci sont conçus et fonctionnent.
Par dessus tout, ces formations visent à ouvrir ces jeunes Ivoiriens sur les nouvelles technologies actuelles : l’intelligence artificielle, la robotique, le pilotage des drones…
Elle vient d’ailleurs de boucler la 2e édition de son bootcamp « Boost your skills », qui a rassemblé pendant plusieurs jours une quarantaine de participant(e)s, enfants élèves, étudiants, adultes, professionnels, parmi lesquels quelques enseignants… et qui a connu un véritable engouement. En témoignent les retours des participants à cette édition, confie-t-elle. D’ailleurs, pour l’année en cours, la jeune Ivoirienne envisage de lancer une formation dédiée exclusivement aux enseignants. Le but étant de les outiller pour enseigner ces technologies de manière pratique à leur tour à leurs élèves. Elle organise en parallèle des webinaires, des formations sur des thématiques liées à la robotique, aux STEAM, dans d’autres domaines comme l’intelligence artificielle(IA) et robotique La cyber sécurité et la robotique, l’efficacité énergétique…
A ce jour, l’initiative a bénéficié non seulement aux Ivoiriens, mais à plusieurs personnes à travers l’Afrique, l’Europe. « Je reçois des messages de plusieurs personnes pour m’encourager et me dire que les programmes que j’ai initiés les ont inspirés à en faire autant », raconte-t-elle fièrement.
La robotique, une rencontre par hasard
Toute petite, la jeune Ivoirienne se veut la technicienne de la famille. Elle arrange tout appareil abîmé qui tombe entre ses mains (téléphones en panne, les appareils de la maison).
Bac scientifique, option mathématiques en poche, elle intègre l’université où elle découvre l’informatique et réalise que celle-ci est l’application des mathématiques. Après son DEUG, elle décide d’approfondir ses connaissances en informatique grâce à des certifications et travaille comme stagiaire au sein d’une entreprise d’informatique.
Fin 2020, elle participe à une formation en robotique, pilotage de drone, informatique, photographie, montage vidéo. Si au début, elle ne souhaite se former qu’en photographie et montage vidéo, elle finit par explorer tous les modules de la formation. C’est alors qu’elle découvre sa passion pour la robotique. C’est la grande révélation. Après la formation, elle continue de se former toute seule, de lire, de faire des veilles technologiques pour accroitre ses compétences.
En 2021, elle participe au concours Robother en Côte d’Ivoire organisé par l’Ambassade des Etats-Unis dont elle est élue « lauréate de robotique ». « Depuis cette date jusqu’à maintenant, j’ai continué à me former. Je me dis que c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à vivre », confie –t-elle.
Après cette compétition, elle participe à plusieurs formations où elle affine ses compétences et prend aussi part à des camps STEM, conférence … en tant que formatrice. C’est alors qu’elle est approchée par l’un de ses formateurs qui l’invite à intégrer une équipe de formation. Pensant au début qu’elle venait se former, elle découvre à sa grande surprise que c’est elle qui formera cette équipe pour la préparer à des compétitions nationales et internationales. Elle intègre l’équipe en février 2022 et en Juin –Juillet 2022 le responsable de l’équipe lui parle de First Global, une compétition internationale de robotique à laquelle participe chaque année la Côte d’Ivoire. Elle intègre l’équipe ivoirienne en tant que mentor (coach, formatrice). L’équipe remporte en 2022 le Prix d’excellence à Genève en Suisse. L’année suivante en 2023, elle accompagne encore l’équipe ivoirienne à cette même compétition à Singapour où l’équipe remporte le Prix d’excellence, ainsi que le prix Social Media.
En plus d’être formatrice, la jeune Ivoirienne est aussi pilote de drones. Les ONG la sollicitent pour piloter leurs drones ou dispenser des formations en pilotage de drones.
Être roboticienne, un long fleuve pas toujours tranquille
Si tout semble lui avoir réussi, le chemin n’a pour autant pas été pavé de fleurs. Evoluant dans un domaine à forte démographie masculine, elle se souvient n’avoir pas été souvent été prise au sérieux. Elle se rappelle d’ailleurs, lors d’une formation de robotique, avoir été méprisée par un responsable. « Après avoir minimisé mes compétences, il a commencé à me poser de multiples questions sur les termes techniques. À sa grande surprise, je lui répondais aisément. C’est alors qu’il a décidé qu’il assisterait à ma formation. A la fin de la formation l’après-midi, il m’a lui-même donné sa carte visite », se souvient-elle.
Pour la jeune Ivoirienne, des préjugés et stéréotypes comme ceux-ci, les femmes dans les STEAM en rencontrent au quotidien. L’une des solutions permettant d’y pallier et de les surmonter est de travailler davantage, estime-t-elle. « Il faut être performantes pour que ceux qui ont des idées arrêtées se rendent compte que les femmes sont à la hauteur », confie-t-elle.
En plus des stéréotypes liés au genre, un autre défi se pose à toutes et tous les passionnés de robotique, notamment l’inexistence d’écoles à proprement parler dédiées à ce domaine en Côte d’Ivoire qui rend difficile la pratique de ce domaine dans le pays.
Déterminée à continuer de se former, Yapi Danila Christiana poursuit aujourd’hui sa licence en mathématiques, tout en continuant à intéresser les jeunes Ivoiriens aux STEAM afin de faire carrière dans les nouvelles technologies.
Danielle France Engolo