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Anyse Pereira, la Cap-verdienne engagée à valoriser la médecine traditionnelle africaine


L’Afrique regorge d’un énorme savoir-faire médical malheureusement méconnu et souvent dévalorisé. Une situation qu’Anyse Pereira, spécialiste en ressources naturelles, compte bien changer, en redonnant à la médecine ancestrale africaine ses lettres de noblesse. Egalement très engagée à promouvoir les STEM dans son pays, la Cap Verdienne a été sélectionnée en 2022 pour le Programme Mandela Washington du département d’Etat américain.

Spécialisée en conservation de la biodiversité et de la gestion des ressources naturelles, Anyse Pereira travaille actuellement au sein du Bureau conjoint des Nations Unies du Cap-Vert pour le PNUD, l’UNICEF et le FNUAP. Elle s’intéresse, particulièrement aux projets liés à la sécurité alimentaire, l’agriculture, le changement climatique, la gouvernance de la biodiversité et le développement durable. « Depuis 2020, je travaille avec le PNUD et j’ai trouvé mon véritable amour : les projets. J’aime les projets. J’aime surtout voir comment ils ont un impact réel dans la vie des communautés », explique-t-elle à Africa Women Experts.

Très tôt atteinte de la « malédiction de trouver tout intéressant et de vouloir tout faire » (rires), comme elle nous le confie, elle entame tout d’abord des études de pharmacie à l’université Intercontinentale du Cap Vert, sanctionnées par une licence, avant de bifurquer vers « la génétique moléculaire et la biomédecine » à la Faculté de technologie de la New University de Lisbonne au Portugal, après une année de césure passée au Royaume-Uni à perfectionner son Anglais. Par la suite, elle rejoint l’Ecole de commerce et d’Economie de Nova, pour un doctorat en « connaissance tropicale et management », qu’elle soutient en Juillet 2022. Une formation à l’intersection du management, de la sécurité alimentaire, la conservation environnementale, la santé, la valorisation des ressources génétiques…

Redonner à la médecine traditionnelle africaine ses lettres de noblesse  

C’est dans le cadre de cette thèse, qu’elle étudie les plantes endémiques et indigènes utilisées dans la médecine traditionnelle africaine. « La médecine traditionnelle africaine est la plus ancienne forme de systèmes de santé au monde. Elle doit donc avoir une certaine valeur ajoutée, car c’est grâce à elle que l’humanité a survécu jusqu’aujourd’hui. Il y’a encore des pays africains qui dépendent fortement à plus de 80% de cette médecine », nous explique –t-elle.

Dans ses travaux, elle se focalise principalement sur les plantes endémiques n’ayant jamais été étudiées auparavant, pour mieux les comprendre et pouvoir intégrer les traitements traditionnels dans le système de santé en Afrique. « Il n’est pas possible de parvenir à une meilleure santé en Afrique sans faire appel aux guérisseurs traditionnels et aux chefs de communauté. Il faut les inclure dans la conception et la mise en œuvre des systèmes de santé et des campagnes sanitaires », insiste-t-elle. D’ailleurs, la scientifique s’inquiète de la tendance à « l’occidentalisation » de la santé en Afrique, qui vise à remplacer complètement la médecine traditionnelle au profit des médicaments pharmaceutiques, sans explorer son potentiel ni la dynamique de son utilisation par la population locale. « Je crois que l’intégration est nécessaire, chaque fois que c’est possible. Parfois, les organisations internationales viennent à nous, avec une posture de dévalorisation des connaissances sur lesquelles nous nous sommes appuyés depuis des années, ce que nos grands-parents, les dirigeants communautaires nous ont appris, ne voulant ni comprendre leur valeur, ni les explorer davantage. J’ai vu de nombreux projets échouer à cause de ce manque d’intégration des connaissances locales dans la mise en œuvre de projet »,explique-t-elle.

En plus de son engagement à valoriser le savoir médical ancestral africain, elle oeuvre aussi pour inclure les plantes indigènes dans les régimes alimentaires en Afrique, étant donné qu’elles ont de fortes valeurs nutritives. « Je plaide pour que ces plantes soient incluses de nouveau dans nos régimes alimentaires, car elles sont plus durables et adaptées à notre environnement et nécessitent moins de ressources pour être cultivées »,explique –t-elle.

 Spécialiste du changement climatique

 Sous une autre casquette, Anyse Pereira œuvre pour l’atténuation et la réduction des effets du changement climatique. Elle a mené des recherches génétiques sur certaines plantes abiotiques adaptées aux climats secs, à la chaleur, la salinité… pour exploiter leur bagage génétique afin de rendre aussi d’autres plantes plus résilientes au changement climatique, notamment celles qui sont importantes sur le plan économique. Au même titre, la chercheuse œuvre pour la conservation de la biodiversité en Afrique. Elle a ainsi mené des recherches sur les ressources floristiques en Afrique de l’Ouest, ayant permis de découvrir que le Cap-Vert est le 2epays d’Afrique de l’ouest le plus riche en nombre d’espèces endémiques. « Toute perte de ces espèces représenterait une perte globale. Il est très important de mettre en place davantage de politiques de conservation des espèces », indique –t-elle. 

Actuellement, elle mène un projet de « « recyclage des résidus de l’industrie vinicole»,axé sur l’exploration du potentiel phytochimique et nutritionnel du marc de raisin, un projet financé par le Programme l’Homme et la Biosphère (MAB) de l’UNESCO et qui devrait permettre aux vignerons d’avoir une source supplémentaire de revenus. « Au Cap-Vert, nous produisons du vin et les résidus de raisin sont simplement gaspillés. Ils ne sont pas exploités et pourtant, c’est une source de nombreux nutriments et de nombreux autres composantes bioactives telles que les antioxydants », nous explique-t-elle.

Engagée à promouvoir les STEM

De 2019 à 2022, Anyse Pereira a été Ambassadrice du Next Einstein Forum, chargée de promouvoir les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STEM) au Cap Vert. A ce titre, elle a organisé différentes initiatives de vulgarisation des sciences auprès des jeunes Cap-verdiens, entre autres le Festival « STEM et Art » ayant réuni près de 350 lycéens de l’île de Santiago à l’université du Cap Vert. Un événement au cours duquel les lycéens ont bénéficié d’une immersion dans l’univers des sciences et de la technologie, à travers des ateliers de robotisation, des simulations de consultations environnementales, d’évaluations de la qualité de l’eau…Une initiative ayant été dupliquée sur l’île São Vicente au profit de plus de 60 lycéens, en raison de son succès. Dans le même cadre, elle a organisé le « parlement scientifique » ayant permis de réunir des parlementaires des principaux partis du pays, des secrétaires d’État, des chercheurs et des étudiants autour de la question de la « fuite des cerveaux scientifiques ».

En raison de cet engagement civique, elle a été sélectionnée en 2022 pour la « Mandela Washington Fellowship », un programme du département d’Etat américain destiné aux jeunes leaders africains, lui ayant permis de passer 6 semaines de formation intensive en leadership au sein de la Wayne State University et 4 semaines supplémentaires à l’African Wildlife Foundation, dans le cadre d’une expérience de développement professionnel.

Engagée à promouvoir les STEM au Cap-Vert, ainsi qu’à changer la vie des populations à travers des projets de ressources naturelles ayant un réel impact, Anyse Pereira aspire désormais à faire progresser sa carrière scientifique au niveau international, afin d’avoir un plus grand impact.

 

Danielle Engolo