Créative, innovante, Dorcas Mumbembe fabrique des emballages papiers à partir de fibres de bananiers. En 2020, la jeune Congolaise a fondé Eco Plus, classée parmi les 15 meilleures start-ups au monde qui participent au Programme Circular Economy en Allemagne. La start-up compte aujourd’hui parmi ses clients en RDC de grands groupes comme Bolloré, Total…
En deux ans d’existence, Eco Plus a participé à plus de 15 concours et compétitions d’entreprenariat en Afrique. Il a décroché plusieurs prix et subventions en RDC, en Afrique et dans le monde. En 2021, la jeune start-up congolaise a vendu plus de 20 000 sacs papiers sur le marché congolais. Une véritable réussite pour la jeune cheffe d’entreprise de 23 ans, qui compte d’ailleurs breveter son idée cette année au niveau international.
Des sacs en papiers à base de fibres de bananiers ? L’idée pourrait paraître très surprenante, mais Dorcas Mumbembe en a fait l’alternative idéale à la pâte de bois avec laquelle est fabriqué le papier Kraft. Contrairement au bois, celle-ci est plus écologique et ne contribue pas à la déforestation et au changement climatique.
C’est suite à une frustration que lui vient l’idée de fabriquer des sacs à base de fibre de bananiers, nous raconte-t-elle, enthousiaste. Alors qu’elle est étudiante, elle livre des légumes à domicile pour subvenir à ses besoins. Mais un jour, une cliente lui retourne sa marchandise, estimant que ses légumes sont de mauvaise qualité. « Je livrais mes légumes avec des sachets plastiques. Certains légumes, surtout les tomates fanaient en raison de la chaleur que dégage le sachet. Quand je suis rentrée à la maison, j’ai dit à ma mère que je ne comprenais pas ce qui était arrivé aux légumes. C’est elle qui m’a fait comprendre que le problème c’était les sachets en plastique. Et aussitôt, je me suis dit qu’elle avait raison », raconte-t-elle à Africa Women Experts.
De là, elle décide alors d’utiliser des sacs en papier kraft pour ses livraisons. Mais, elle est contrainte de laisser tomber l’idée. Car chaque emballage papier lui revient 20 fois plus cher qu’un sachet plastique. Ce qui réduit considérablement sa marge de bénéfices. C’est ainsi qu’elle fait le pari « fou » de créer elle-même son papier pour fabriquer ses emballages.
Un pied à l’université et un pied dans le business
Etudiante en communication à l’Université pédagogique de Kinshasa, elle s’intéresse à la chimie, une matière qui la passionne depuis ses années de lycée. En plongeant dans ses anciens cahiers de chimie et suite à des recherches, elle réalise qu’on peut fabriquer du papier à base de cellulose. Une substance présente dans les fibres de bananiers. « De nature, je suis écologiste. Je me disais qu’il me fallait trouver une matière première abondante, pas trop chère, et qui ne contribue pas au changement climatique. C’est ainsi que j’ai découvert que c’est dans les bananiers qu’on retrouve un taux de cellulose très élevé par rapport aux autres végétaux. Dans un premier temps, j’ai opté pour les bananiers »,nous explique –t-elle.
Grâce à des amis chimistes, elle produit son premier prototype de papier issu d’une formule qu’elle a développée. Elle le perfectionne ensuite, et finit par produire un papier hydrophobe, capable de résister à l’eau. Une première en RDC, se réjouit-elle.
Si à l’origine de son expérimentation, son but est de répondre à son propre besoin, elle décide ensuite d’en faire une idée de business. Car en RDC, d’autres commerçants sont butés au même problème d’emballage papier qu’elle. Début 2020, elle crée alors la start-up Eco Plus et réalise ainsi son rêve de toujours : entreprendre. « Je me suis lancée dans l’entrepreneuriat en étant étudiante. J’avais cette envie de devenir entrepreneure depuis. Je ne comptais pas travailler pour quelqu’un. Je ne me voyais pas finir les études et entrer au chômage, pour ensuite accuser le gouvernement. J’avais donc un pied à l’université et un pied dans le business », souligne–t-elle.
Financer sa start-up par des concours d’entrepreneuriat
A projet innovant, stratégie innovante. Pour financer sa start-up, elle décide de participer aux concours et compétitions d’entreprenariat dans son pays, en Afrique et au niveau international. Une stratégie inspirée des entrepreneurs anglophones, dit-elle. « Je me suis dit que les concours mis à la disposition des entrepreneurs sont une opportunité pour financer son projet. Généralement, ce sont les Anglophones qui en bénéficient. Ils sont très éveillés. Si dans un concours, les Africains doivent participer à 10, vous verrez que 80% sont anglophones. J’ai vu cette mentalité auprès des entrepreneures anglophones et je me suis dit pourquoi ne pas le faire ? », confie-t-elle.
En peu de temps, la jeune start-up congolaise participe à une dizaine de concours et décroche des subventions, des fonds et des récompenses pouvant aller jusqu’à 30 000 euros/dollars. Mais en plus des fonds, les compétitions permettent à la cheffe d’entreprise de « seconstituer un réseau sur qui elle peut compter peu importe le problème et la situation », confie-t-elle.
Depuis Février 2022, Eco Plus est la seule entreprise dirigée par une Africaine et une francophone à prendre part au Programme Circular Economy financé par l’Union Européenne. Aux côtés de 14 autres start-up de différents pays, la start-up participera à une formation de quatre mois et bénéficiera d’une subvention.
Exporter les sacs papiers en Afrique et dans le monde
A cœur vaillant, rien d’impossible ! Dans l’avenir, Dorcas Mumbembe a l’ambition de conquérir d’autres marchés. Son rêve est de commercialiser ses emballages en papier en Afrique Centrale, en Afrique et dans le monde.
Aujourd’hui, la start-up se concentre essentiellement sur la RDC. Elle offre de l’emploi à d’autres jeunes Congolais. La plus grande fierté de l’entrepreneuse. « Hier, j’étais demandeuse d’emploi. Aujourd’hui, j’ai mon propre emploi et je peux en offrir à d’autres personnes », se réjouit-elle.
Dans le pays, l’entreprise lutte aussi contre les sacs plastiques. En 2021, elle a permis d’épargner 20 000 sacs plastiques grâce à ses emballages en papier, notamment dans l’agroalimentaire, la mode, l’industrie, les grandes surfaces…
Pour l’entrepreneuse, l’impact d’Eco Plus reste encore limité, mais un long chemin a déjà été parcouru. Et l’avenir s’annonce prometteur.
Danielle Engolo