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Aminata Koné : « La transition énergétique ne peut se limiter à la décarbonation en Afrique »


Aujourd’hui, encore en Afrique, 580 millions de personnes n’ont pas accès à l’énergie. Une situation qui a été exacerbée par la crise de la Covid 19 en 2020. Aminata Koné, analyste de la régulation dans le secteur de l’électricité, d’origine ivoirienne et néerlandaise, aborde dans cette interview, les enjeux de la transition énergétique en Afrique. Les propos.

Comment peut-on évaluer aujourd’hui l’accès des Africains à l’énergie ? Pourquoi ?

Entre 2014 et 2019, un nombre record de 20 millions d’Africains ont obtenu un accès à l’électricité chaque année. Cette tendance peut notamment être attribuée aux politiques mises en place par quelques « leaders » de l’électrification, comme le Kenya, le Rwanda, l’Ethiopie, le Ghana et le Sénégal. Néanmoins, 580 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’énergie (autre que la biomasse). Et la crise de la Covid-19 a malheureusement compliqué les choses : on estime que le nombre d’Africains sans accès à l’énergie a augmenté en 2020, pour la première fois depuis 2013. Ceci s’explique entre autres par les changements des priorités gouvernementales et les perturbations des chaînes de valeurs énergétiques liées aux conséquences économiques de la crise.

Comment améliorer l’accès des Africains à l’énergie dans un contexte où le monde est confronté aux effets néfastes des changements climatiques, surtout en Afrique ?

La voie traditionnelle pour augmenter l’approvisionnement en énergie est celle des combustibles fossiles. Leur contribution au changement climatique, et la vulnérabilité particulière de l’Afrique à ses conséquences, rendent ce chemin de moins en moins viable. Les enjeux d’accès à l’énergie et de développement des énergies propres peuvent néanmoins aller de pair ; on le voit dans la contribution des énergies renouvelables (EnR) à l’électrification de zones rurales africaines.

Les énergies renouvelables sont-elles la solution ultime pour favoriser l’accès de tous les Africains à l’énergie ?

Le caractère décentralisé des EnR permet d’obtenir un accès à l’énergie sans être connecté au réseau électrique national et à un coût inférieur : pensons aux petites installations d’énergie solaire déployées sur des toits dans des régions isolées. Cela dit, il y a encore des questions à se poser quant à la meilleure stratégie de déploiement d’EnR en Afrique, notamment relatives au financement pérenne, au stockage, à la maintenance du matériel et aux porteurs de projets les plus adaptés.

Étant donné le contexte du changement climatique, on parle souvent de transition énergétique. Qu’est-ce que c’est ?

La transition énergétique désigne tout d’abord une adaptation des modes de production et de consommation de l’énergie afin de les décarboniser, en remplaçant un maximum de sources d’énergie émettrices de CO2 par des EnR, tout en assurant la sécurité d’approvisionnement et l’abordabilité de l’énergie pour les consommateurs.

Quels sont les enjeux de cette transition énergétique en Afrique ?

La transition énergétique ne peut se limiter aux seules fins de décarbonation, surtout en Afrique, qui n’est responsable que de 2 % des émissions de CO2 mondiales liées à l’énergie. La transition énergétique africaine est l’occasion de repenser le système énergétique et ses chaînes de valeur de manière profonde, en y intégrant notamment des axes d’accès à l’énergie, d’autonomisation des populations rurales et de résilience des infrastructures. Cela requiert des politiques publiques innovantes et des investissements publics et privés bien ciblés.

Comment accélérer cette transition énergétique en Afrique, sachant que les majors européens (Shell, Total …) et même les compagnies nationales africaines sont plus portés sur l’optimisation des ressources d’hydrocarbures ?

Il faut admettre qu’on aura encore besoin de combustibles et de gaz pour la sécurité d’approvisionnement de l’énergie sur les décennies à venir et qu’une baisse de la demande représente un risque économique important pour certains pays africains. Pour des pays tels que le Nigéria, l’Angola et l’Algérie, le pétrole représente entre 80 et 90 % des exportations et entre 10 et 30 % du PIB.

A mon avis, la vraie question est de savoir comment on peut faire de ces industries une partie de la solution : incitons-les dès aujourd’hui à investir dans des biogaz, l’hydrogène à base d’EnR et la mobilité propre, par exemple.

Propos recueillis par Danielle Engolo