Arrivée par pur hasard dans le milieu du football il y’a 23 ans, Thérèse Manguele est aujourd’hui une figure majeure de ce sport au Cameroun. Secrétaire Générale de la « Ligue de Football Féminin du Cameroun » depuis 2018, elle est sur tous les fronts pour développer le football camerounais, et plus précisément, la pratique de ce sport par les femmes. Dans cette interview, elle partage son expérience.
Qui est Thérèse Pauline Manguele ?
De nationalité camerounaise, née dans la Région du Centre, je suis mariée et mère de 04 enfants. Titulaire d’un diplôme en Gestion des Entreprises et des Administrations je me suis spécialisée en Administration et Gestion du Football auprès de la FIFA et de la CAF, activité que j’exerce depuis 23 ans. Très engagée dans le développement du football au Cameroun, j’en ai fait mon centre d’intérêt au quotidien.
Quel est le parcours qui vous a amenée à la tête de la « Ligue de Football Féminin » du Cameroun » ?
Il faudrait avant tout relever que je n’ai jamais été une grande sportive. Le sport n’était pas mon passe-temps favori. Ma passion est née à postériori. J’arrive dans le Football par le plus grand des hasards. A la recherche d’un emploi, la Fédération Camerounaise de Football m’a offert une opportunité que j’ai acceptée avec beaucoup d’hésitation. D’emblée, le milieu m’a paru très « hard ». Très rapidement, mon esprit d’adaptabilité a pris le dessus. J’ai trouvé un monde vivant, très différent des autres secteurs d’activité. Venue pour quelques mois, j’y passe aujourd’hui presque toute ma vie professionnelle et j’ai gravi les échelons : Attachée de Direction, Chef de Département Administratif et Secrétaire Générale tantôt à la Fédération, tantôt à la Ligue de Football Professionnel du Cameroun et aujourd’hui à la « Ligue de Football Féminin » du Cameroun.
A quels défis avez-vous été confrontée tout au long de votre carrière ?
Mon insertion dans le football n’a pas été un fleuve tranquille. L’adversité vous entoure au quotidien. Les hommes tentent toujours de vous faire lâcher prise surtout qu’en Afrique, ils viennent d’horizons divers. Vous venez violer leur antre ! Ils n’acceptent pas qu’une femme puisse prendre les commandes surtout dans la gestion de leur « activité ». Pour y survivre, il faut les battre sur le plan professionnel ; s’imposer comme une valeur sûre et susciter en eux un besoin tant il est vrai que le football a quatre piliers fondamentaux (l’administration, l’entrainement, l’arbitrage et la médecine sportive) où chacun peut se retrouver.
Quid de la pratique du football par les femmes au Cameroun aujourd’hui ?
Le football féminin au Cameroun a atteint un niveau acceptable sur le plan international avec sa participation aux grandes compétitions dont la plus prestigieuse a été le Coupe du Monde 2016 au Canada. Avec la mise sur pied d’une « Ligue de Football Féminin » en 2018, notre premier chantier, le Conseil d’Administration et moi, est de procéder à la refondation de l’organisation des championnats et autres compétitions sur le plan national, leur restructuration constituant la première étape. A moyen terme, nous aurons une cartographie englobant toutes les catégories pour une meilleure compétitivité lors de la participation desdites catégories aux diverses compétitions à l’échelon africain voire mondial. Nous parlons des Seniors, Juniors, Cadets et Minimes. Pour atteindre cet objectif, en collaboration avec la Direction Technique Nationale (DTN), des programmes de formation en entrainement, arbitrage et autres activités connexes sont élaborés en faveur des femmes.
Quels sont aujourd’hui vos combats en tant que SG de la « Ligue de football féminin » ?
Le combat qui me tient le plus à cœur est celui d’annihiler la discrimination dont sont victimes au quotidien les femmes dans le management du Sport en général et du Football, en particulier. Spécifiquement, mon action doit tendre vers l’insertion des femmes à tous les niveaux de prise de décision au niveau des Institutions sportives. La sensibilisation auprès des femmes pour leur intéressement à l’activité footballistique.
Quelles sont vos ambitions ?
A moyen terme, le football féminin doit égaler au Cameroun celui des hommes sur tous les plans, ce d’autant plus que la CAF et la FIFA ont mis ces dernières années le développement du football féminin au centre de leurs préoccupations. Fort de cet engagement et conscient de la position dominante du Cameroun dans le football féminin dans la sous-région, notre premier challenge est de gagner la Champions League Féminine organisée par la CAF dès 2022. D’où l’impérieuse nécessité d’améliorer qualitativement l’organisation de nos championnats locaux qui doit tendre vers l’excellence.
Vos conseils aux femmes africaines ?
Je leur dirai que le football est un secteur à peine exploré par la gente féminine. Elles y ont leur place en tant qu’actrices directes comme joueuses, entraineurs, arbitres, médecins sportifs. Bien plus, elles peuvent bénéficier de formations de haut niveau en la matière. La vie dans le milieu sportif est dynamique et épanouissante ; on y gagne très bien sa vie. Travailler dans ce milieu n’altère en rien ses fonctions de mère ou d’épouse.
Propos recueillis par Danielle Engolo