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Justine Judith Lekogo : « Le véritable enjeu n’est pas de rendre les femmes dynamiques, mais productives »


Justine Judith Lekogo, économiste, entrepreneure et Ancienne Ministre déléguée de l’Économie et des Finances au Gabon, revient sur les enjeux de l’autonomisation économique des femmes en Afrique. Les propos.

En Afrique, les femmes sont très dynamiques et actives, mais ne sont pour autant pas autonomes économiquement. Pourquoi ? 

L’autonomisation économique des femmes reste un moteur incontournable de la transformation de l’Afrique. Bien que les femmes en Afrique soient des agents économiques très dynamiques, plus que partout ailleurs dans le monde, il est fort à constater malheureusement que sur l’ensemble du continent africain, ces femmes se heurtent à toute une série d’obstacles qui entravent la réalisation de leur plein potentiel, allant des pratiques culturelles restrictives et des lois discriminatoires à des marchés du travail très segmentés. Ces femmes Africaines qui constituent le noyau de la main-d’œuvre agricole et qui possèdent la majorité des entreprises du secteur informel, sont en général pour la plupart, pour ne pas dire la majorité, dans des professions à faible valeur ajoutée, dont la rentabilité économique est insignifiante. Si ces entreprises pouvaient gagner en productivité, elles pourraient être des moteurs de croissance inclusive. Aujourd’hui et conformément à plusieurs études économiques, le défi à relever n’est pas d’encourager les femmes africaines à redoubler de dynamisme sur le plan économique. Elles sont déjà très actives dans ce secteur. Le véritable enjeu est de les rendre plus productives, afin de générer davantage de revenus pour elles-mêmes et pour leurs ménages, et de contribuer non seulement à la croissance inclusive, mais aussi à leur autonomisation économique. 

Quelles clés pour favoriser l’inclusion économique des Africaines, surtout en cette période de crise sanitaire ? 

Les femmes constituent la majorité des effectifs des secteurs les plus durement touchés par la pandémie de covid19, tels que l’éducation, le commerce de détail, le tourisme, l’hôtellerie et les services domestiques. Il est donc primordial de mettre l’accent sur les femmes afin d’éviter une contraction de leurs débouchés. Il est plus que nécessaire de renforcer les systèmes nationaux et de veiller à ce qu’ils soient conçus de manière inclusive et équitableL’inclusion économique peut conduire à l’inclusion financière et vice versa, la dynamique de genre freine les femmes sur ces deux aspects. Cela doit changer. Les banques commerciales se concentrent souvent sur les hommes et les entreprises formelles, négligeant les femmes qui constituent un segment important et croissant de l’économie informelle. L’inclusion financière n’est pas une fin en soi. Il s’agit plutôt d’un moyen d’améliorer les moyens de subsistance et de favoriser l’autonomisation économique des femmes surtout en cette période de crise sanitaire. Il va falloir que les décideurs et les experts se concentrent sur les mesures, les politiques économiques, les services et les produits financiers qui favorisent les débouchés économiques et l’autonomisation des femmes. Les gouvernants doivent mettre en place des stratégies pour éliminer les obstacles qui empêchent les femmes d’utiliser les services financiers et d’y accéder. L’utilisation des services financiers par les femmes n’augmentera que s’ils répondent à leurs besoins et s’attaquent aux contraintes sexospécifiques. 

En matière d’entreprenariat féminin, le microcrédit adopté dans plusieurs pays d’Afrique, n’accentue-t-il pas les inégalités entre hommes et femmes en matière d’accès au financement ? 

En Afrique, le microcrédit cible souvent les femmes, parfois exclusivement. Les femmes représentent près de 80% des clients les plus pauvres bénéficiant des services de microcrédits. C’est pourquoi, du point de vue de la politique publique, il est souhaitable d’assister les femmes à la recherche d’un emprunt. Malheureusement et en dépit de ce que les taux de recouvrement sont plus élevés chez les femmes, il a été constaté qu’au fur et à mesure que les établissements de microcrédits progressent sur le marché à la recherche de meilleurs rendements, ou même qu’ils se transforment en banques commerciales, le pourcentage des femmes parmi les clients baisse. Ce qui crée davantage les inégalités entre les hommes et les femmes en matière d’accès au financement. C’est pourquoi il faut mettre en valeur l’argument commercial en faveur de la focalisation sur les femmes pour l’offre de prêts, tout en renforçant parallèlement les stratégies des établissements de microcrédits pour atteindre les femmes. Les changements sur le plan d’accès au financement ont des conséquences sur la répartition du temps de travail entre les hommes et les femmes du même foyer et entre les activités qui génèrent des revenus différents. L’entreprenariat féminin est une question d’argent aussi. Pour que les femmes entreprennent, des financements adéquats sont requis. Et pour que les fonds bénéficient à chaque personne, de manière égalitaire et équitable, des efforts ciblés sont souvent nécessaires. Sachant que le développement inclusif coûte cher, et vu que la planification et le financement des projets négligent souvent les besoins spécifiques des femmes, il est temps d’investir dans l’égalité de genre et consacrer une bonne proportion de l’aide aux besoins spécifiques des femmes. Partout dans le monde, les femmes ont besoin d’investissements et de ressources prioritaires, ciblés et cohérents. Cela fait plusieurs dizaines d’années que l’autonomisation des femmes souffre d’une pénurie chronique d’investissements, ce qui a entravé l’avancement des droits des femmes et de l’égalité des sexes.